ChatGPT : ce drôle d’animal que le progrès…

À ce jour, ChatGPT a sans doute fait couler autant d’encre chez ses exégètes qu’il ne l’a fait lui-même au profit des curieux de la chose ou des premiers « profiteurs » de la nouveauté…

L’exponentialité des innovations scientifiques et technologiques fascine autant qu’elle sidère. Certaines, à l’instar de cet agent conversationnel, sont vertigineuses. Elles ne prolongent pas seulement l’Homme en le dotant de moyens inédits : d’une certaine manière, elles se substituent à lui, en produisant par exemple des œuvres de l’esprit (quid, in fine, de leur propriété intellectuelle ?). 

Nous savons, tout particulièrement depuis la traversée du 20ème siècle, que le progrès a ceci d’éminemment humain qu’il est capable d’engendrer le meilleur et le pire. Il ne fait pas grandir l’un au détriment de l’autre, il élève les deux : risques et opportunités ; problèmes et solutions. Si le progrès n’est plus une utopie enchanteresse, c’est qu’il n’a jamais autant été une réalité, par essence ambivalente. 

Le paradoxe du progrès technologique et scientifique est que nous le suscitons tout autant que nous le subissons. Nous ne pouvons l’arrêter, et le canaliser, dans nos pratiques et dans nos mœurs, s’avère d’une extraordinaire complexité. Ici, nous nous en félicitons, là nous nous en désolons – comme si nous n’avions pas toujours la lucidité et les moyens d’agir sur ses effets secondaires et ses développements les moins souhaitables dans la délibération démocratique.

Toute innovation qui impacte la société a une dimension allégorique dont il nous faut savoir tirer une morale pour l’époque. Face à ChatGPT, qui surgit au cœur d’une société conversationnelle par excellence, il est utile de se souvenir que la communication ne consiste pas seulement à produire de l’information et du « contenu », elle aspire à soutenir des systèmes de valeur, des prises de position et des décisions. Elle engage donc une responsabilité et une vision : deux choses fondamentales dans la gouvernance des sociétés humaines, qui engagent elles-mêmes notre liberté et notre libre-arbitre.

Plus que jamais, la communication des organisations et des institutions se doit d’être au service des concertations sur les buts que nous poursuivons et les valeurs qui nous animent. Le progrès doit avoir un sens au risque, sinon, d’être insensé. Cela semble une évidence et pourtant nous savons que ce n’est jamais gagné d’avance !

Vincent Lamkin
Associé-fondateur de Comfluence Groupe