Vers une accélération de la transition agro-alimentaire dans l’après-Covid

Le 10 juin dernier, Vincent Lamkin et Jérôme Ripoull organisaient un e-débat avec notre partenaire Olivier Mevel, expert reconnu en marketing et stratégie des filières alimentaires. Le thème : « Agriculture et agroalimentaire dans l’après-Covid : entre ultra-local et mondialisation ». Retour sur les enseignements partagés avec lui à cette occasion.

La crise sanitaire a agi comme le révélateur d’une accélération de la transition alimentaire des consommateurs face à un modèle agro-alimentaire dominant mais à bout de souffle, qui semble aujourd’hui avoir atteint ses limites sociales, environnementales et économiques. Ce modèle économique, encore adossé aux volumes de vente réalisés par des marques vieillissantes dans les linéaires, a été déployé au cours des cinquante dernières années. Il reste purement financier et son exécution demeure basée sur la vente de protéines alimentaires à des millions de consommateurs, tout en maximisant des économies d’échelle entre les gammes. Cette massification a, certes, permis de réduire les coûts d’accès à la nourriture tout en ouvrant l’alimentation aux classes moyennes du monde entier, mais semble aujourd’hui venu le temps de changer d’approche face à un consommateur dont les besoins et attentes alimentaires ont profondément évolué en l’espace de cinq ans.

Entre fractionnement de l’offre et déstructuration des repas

La demande s’est progressivement individualisée et diversifiée (bio, local, circuits courts, sans OGM…) et il en résulte logiquement un fractionnement de l’offre en réponse à la volonté des citoyens- consommateurs de tendre vers une alimentation plus responsable. Ces derniers sont donc devenus multiformes. Ils n’achètent plus dans le même hypermarché et la règle immuable, qui voulait que la France reste le pays des 3 repas quotidiens, a aussi volé en éclats quand on mange dans la rue, se fait livrer des plats préparés au bureau pour déjeuner et, que le soir venu, on utilise des applications pour individualiser ses menus. La déstructuration des repas a indéniablement accéléré la fragmentation de l’offre alimentaire, accélérant de fait la perte de vitesse des leviers marketing traditionnels.

Un client en demande de qualité, de sens et d’engagement

Le consommateur est donc entré en transition alimentaire dans un contexte généralisé de perte de sens, face à des marques qui ont organisé depuis les années 70 une mise en anonymat de leur offre alimentaire. Anonymat qui se retourne aujourd’hui contre elles. En effet, les stimuli publicitaires traditionnels n’ont plus le même impact sur un client qui attend plus que jamais qu’on lève l’anonymat sur l’origine des matières premières, la composition ou encore les lieux de fabrication de son alimentation. C’est pourquoi les marques régionales et les produits locaux ont autant de succès auprès des clients qui attendent désormais des marques à la fois qualité, valeur d’usage, proximité, service, sens et engagement sociétal…

Une tendance : la paupérisation des achats

A ce titre, 2018 restera une année charnière, non seulement parce que les acteurs hors-grande surface alimentaire (GSA) ont continué de se multiplier (spécialiste du bio, du surgelé, pure players…) mais aussi parce que les volumes consommés en GMS ont baissé alors que la valeur s’inscrivait encore à peine en croissance. En revanche, en 2019, l’amplification de la baisse des volumes s’est poursuivie… tandis que la valorisation s’est essoufflée à son tour. Les destockeurs alimentaires ont fait le plein de nouveaux clients et, avec ou sans Covid en 2020, force est de constater que la paupérisation des achats est là. Désormais, deux quintiles extrêmes (20 % de CSP- et 20 % de CSP+) côtoient une classe moyenne (60 % de la population) qui cherche à redonner du sens à ses achats tout en gardant à l’esprit un signal prix toujours plus prégnant pour elle.

En conclusion, l’accélération du phénomène de transition alimentaire exige des marques non seulement qu’elles s’engagent sociétalement, mais aussi qu’elles communiquent sur les résultats de leur engagement. En effet, la communication par la preuve va tendre à se généraliser bien au-delà de la seule valeur intrinsèque et d’usage du produit. En France, gagner dans l’alimentaire se fera désormais à ce prix !

Pour (re)découvrir les échanges lors du e-débat : https://comfluence.docs-view.com/v/ac367d2cb5