Raison d’être : un enjeu pour les organisations professionnelles ?
Née du rapport Sénard-Notat et de la loi Pacte, la raison d’être des entreprises a fait couler beaucoup d’encre. Nous aurons, nous aussi, sacrifié au commentaire, notamment pour regretter que la communication sur le sujet se fasse sur la mousse et non sur l’essentiel : les raisons d’agir des entreprises (https://www.cbnews.fr/tribune/age-raisons-48271).
Depuis lors, nombre d’entreprises s’en sont dotées. L’étude publiée par Comfluence au printemps 2020 (https://comfluence.docs-view.com/v/ca60597a3d) sur les entreprises du CAC40 a permis de faire un état des lieux et une analyse de leurs avancées en la matière. L’objectif est clair : donner du sens aux activités de l’entreprise et les légitimer en les rattachant à des enjeux de société pour les inscrire pleinement dans une dynamique d’intérêt général et dans une exigence de développement durable.
Un double enjeu, interne et externe
Accompagnant les organisations professionnelles dans leur gouvernance et dans leur communication d’influence depuis l’origine de Comfluence, il nous est apparu, à travers plusieurs missions de conseil, que la question se posait avec acuité pour ces institutions.
Confrontées de façon chronique à la légitimation et à la clarification de leurs missions, fédérations et interprofessions ont une double bonne raison de se doter officiellement d’une raison d’être et d’en faire un levier stratégique de leur efficience.
En premier lieu, la raison d’être d’une organisation professionnelle doit être un outil au service de la cohésion interne et servir de socle à la lisibilité de la feuille de route donnée par un ensemble de mandants-adhérents à un exécutif fédératif. Ce point s’avère crucial à divers titres. On sait que dans des écosystèmes de filière, ou sectoriels, la cohabitation et l’enchevêtrement de plusieurs organisations compliquent souvent la répartition des rôles entre celles-ci. Par ailleurs, les adhérents, en tant qu’entreprises, n’ont pas toujours pris la peine de croiser suffisamment leurs perceptions et d’aligner leurs attentes communes en amont et c’est, souvent, à la faveur de chantiers opérationnels, voire de gestions de crise, que se discute, un peu tard, la raison d’être de l’organisation et ce qui en découle.
En second lieu, comme les entreprises, les organisations professionnelles doivent sortir d’une identité manichéenne dans lesquelles leurs détracteurs cherchent encore trop souvent à les enfermer. Les premières ne seraient guidées que par le profit, les secondes ne seraient que des groupes d’intérêts au service de celui-ci.
Ce que les entreprises portent de raison d’être à leur niveau, et avec leurs singularités, les organisations professionnelles doivent le poser au niveau sectoriel. Dans la communication d’image qu’engage une fédération ou une interprofession mais aussi dans le lobbying qu’elle assume, on ne peut pas accepter que ne soit vu et perçu que la défense d’intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général. La raison d’être de ces organisations va beaucoup plus loin et leur contribution, de par les expertises et les expériences de terrain qu’elles fédèrent et partagent, a une portée sociétale majeure. Cette raison d’être là ne peut pas être implicite et elle participe des fondations dans la stratégie de prise de parole d’une organisation professionnelle.
Gageure ou opportunité ? Une question de méthode
Les plus pessimistes seront tentés de voir dans cette opportunité un problème : un sujet de plus (et pourtant crucial) sur lequel se mettre d’accord. Les plus optimistes verront dans cet enjeu une opportunité de réassurer le collectif et de donner un supplément d’âme à leurs démarches communes, dans un contexte de crise où la question du sens est cruciale pour légitimer toute revendication.
Pour donner raison aux seconds, de bonnes pratiques s’imposent : en amont, dans la phase de concertation et d’élaboration ; en aval, dans la phase d’exploitation.
Par elle-même, la démarche d’élaboration d’une raison d’être constitue un acte fort de communication « interne » et de reconnexion du collectif à une identité et à des objectifs partagés. Sa réussite réclame la mise en place d’un dispositif d’écoute, de réflexion et de décision qui soit, tout à la fois, largement nourri et transparent. C’est l’occasion de s’appuyer sur différents corpus méthodologiques pour animer le processus décisionnel : production d’enquêtes au sein d’un large panel représentatif d’un écosystème sectoriel ; production de benchmarks et d’analyses contextuelles, y compris grand public ; contribution de points de vue experts… Autant de contenus référents et objectivés qui seront challengés dans un processus collaboratif via un groupe de travail dédié.
La formalisation d’une raison d’être n’est pas, par ailleurs, une fin en soi. Elle doit donc aussi, en aval, se traduire dans un dispositif d’expression et de communication, et constituer un fil rouge sur lequel se construit la crédibilité et la cohérence de votre influence sociétale. Là aussi, il importe donc de mettre en place les instances et les process permettant de construire cette feuille de route via laquelle la raison d’être d’une organisation professionnelle prend la forme d’un plan d’action au sein d’un écosystème d’influence.
Lectures complémentaires :
– https://www.la-croix.com/Economie/Entreprises/dentreprises-dotent-dune-raison-detre-2020-05-13-1201094075
– https://www.lefigaro.fr/societes/les-groupes-du-cac40-prudents-face-a-la-raison-d-etre-20200305
– https://www.influencia.net/fr/actualites/media-com,etudes,entreprises-cac40-age-raison-etre,10398.html
– https://comarketing-news.fr/avec-la-crise-le-cac-40-se-cherche-une-raison-detre/