PLFSS 2021 : exceptionnel et décevant ?

Christophe Rondel dirige le pôle Affaires publiques et lobbying de Comfluence. Régulièrement sollicité par de grandes entreprises et organisations professionnelles, notre directeur senior décrypte pour vous certains enjeux du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2021, dont l’examen est toujours en cours.

Le millésime 2021 du PLFSS est-il un grand cru ?

CR : Il est à la fois sans surprise, parce qu’il donne lieu aux débats habituels, et exceptionnel. C’est bien sûr, la situation de crise créée par la COVID-19 qui lui confère un caractère sans précédent et suscite des engagements majeurs de la part de l’Etat. C’est le cas notamment en ce qui concerne la revalorisation des salaires du personnel hospitalier. Cette revendication a émergé dans le cadre du Ségur de la Santé et s’est imposée dans le contexte de crise sanitaire. Le Gouvernement tente d’y apporter ici une réponse.

De même sur le numérique en santé, des mesures ont été prises pour décloisonner médecine de ville et établissements hospitaliers. Ainsi, le Ministère de la Santé va maintenir le remboursement à 100% des consultations en télémédecine durant un an même si le Sénat a proposé de réduire cette durée à 6 mois. On aurait peut-être pu s’attendre à des avancées plus significatives…

Un PLFSS plus ambitieux … mais comment ?

CR : Le ministre de la Santé aurait pu être plus enclin à reprendre les propositions du Sénat qui faisaient sens. L’idée de corréler en partie le prix du médicament aux investissements des laboratoires en France en faveur de l’emploi et la R&D méritait d’être creusée. Une autre initiative était pertinente, celle concernant la simplification des mécanismes très complexes concernant l’accès précoce des médicaments. Celle-ci était clairement au bénéfice des patients tout en apportant des gages majeurs en matière de sécurité.

Sur le numérique en santé le Gouvernement reste frileux. Il soutient le développement de la téléconsultation, mais ne souhaite pas contraindre les médecins à alimenter le DMP, comme si l’un pouvait fonctionner durablement sans l’autre. De même, il est opposé à une mesure introduite au Sénat qui tend à expérimenter la création d’un service de téléconsultations aux entrées des urgences.

Or, cette solution innovante, qui suppose d’innover dans la facturation hospitalière, pourrait contribuer à réguler le nombre de passages aux urgences. Plutôt que de s’engager dans cette voie, le Gouvernement préfère avoir recours à un mécanisme classique et peu dissuasif de « franchise », le fameux « forfait urgences ».

Vous soulignez aussi que le gouvernement poursuit le mouvement d’Etatisation de la protection sociale

CR : Oui, ce mouvement n’est pas nouveau, mais il s’accélère. Les clauses de désignation, l’encadrement des contrats responsables, la mise en œuvre du « 100% santé » et la création d’une complémentaire santé solidaire gérée par les pouvoirs publics… tout converge vers l’émergence d’une complémentaire santé d’État, ce qui pose la question du futur rôle des complémentaires. Celles-ci sont de plus en plus limitées à des prestations peu différenciantes sur leurs métiers de base et à devenir des collecteurs privés d’impôt pour l’Etat, comme l’atteste la nouvelle taxe dite COVID dont le rendement devrait être de 1 milliard d’euros en 2020 et au moins 500 millions en 2021.