2022 : ni sauveur, ni grands partis… Alors quoi?

Quels enseignements pouvons-nous anticiper des prochaines élections présidentielle et législatives ?

Commençons par nous avouer que cette grand-messe ne nous apportera pas, cette fois encore, le sauveur dont nous rêvons et sur qui nous pourrions nous reposer. Bien sûr, chaque candidat ira de sa tirade solennelle, façon « Moi, Président… », et le sortant (s’il se présente) jouera l’expérience du réel au sommet, face à l’utopie du verbe (oubliant qu’il en aura usé et abusé). On connaît la chanson…

Nous savons aussi que les grands partis républicains qui structuraient et polarisaient les mouvements d’idées ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes, laminés qu’ils furent par la mécanique des primaires, avant que la seconde lame du « en même temps » vienne couper les têtes à gauche et à droite, sans constituer pour autant une force politique cohérente…

Ce n’est pas le courage des élites politiques qui explique leur impopularité ou celle de leurs réformes, mais la toile de fond qui préfigure leur montée en scène. La démagogie des promesses politiques, la festivité sans contenu des grandes victoires électorales, les concessions successives faites aux logiques communautaristes, la société de l’information spectacle, le flou décisionnel : tout cela prépare le terrain à une ingouvernabilité croissante des nations, dans lesquelles le fait majoritaire ne s’impose plus.

On peut se désoler de ces constats, y voir l’aggravation d’un déclin démocratique et politique. On peut aussi y voir l’opportunité d’appréhender autrement ces élections, pour échapper au traditionnel simulacre et s’éviter l’élan vers le pire.

Etatisme mortifère. Le débat politique et les choix d’avenir d’un pays démocratique ne peuvent plus être façonnés exclusivement par quelques leaders politiques et leur sphère d’influence, d’une part, et quelques minorités agissantes, d’autre part. Là sont les germes d’un arbitraire démocratique.

Le recul historique des partis de gouvernement et le réalisme qu’impose la prise de conscience qu’il n’y aura pas de sauveur providentiel peuvent être une chance.

Organisations professionnelles, think tank, associations, ordres, entreprises doivent être en première ligne d’un avenir qui, dans un monde de plus en plus complexe, ne peut pas se construire sans le concours actif de celles et ceux qui produisent beaucoup des richesses de notre pays – qu’elles soient économiques, intellectuelles, culturelles, technologiques, scientifiques…

Il faut sortir de cette logique simpliste et convenue dans laquelle le politique tranche après avoir « consulté » les « acteurs ». Ces derniers ne sont pas de simples consultés mais de vrais « consultants » ; ils ont une expertise et des convictions à partager qui n’entrent pas dans le moule simplificateur d’un discours de campagne.

Tous les corps intermédiaires doivent saisir cette opportunité et cette responsabilité : éclairer le débat, l’enrichir, contribuer à une saine confrontation des points de vue, mettre sur la table des réflexions et des propositions.

Tous ces acteurs ont pris une dimension politique par le rôle sociétal qu’ils jouent. On ne peut leur demander de s’engager toujours plus sans les associer vraiment à l’intelligence des enjeux et des réponses à construire. Il y a là un cercle vertueux à mettre en œuvre.

Considérer et constater, in fine, que l’appareil d’Etat et son chef ne seront pas là pour assurer à eux seuls notre protection, pour s’occuper de tout et tout prendre en charge nous oblige à prendre nos responsabilités, à assumer notre liberté, à être acteurs du pacte démocratique. « Ne demande pas ce que ton pays peut faire pour toi, demande ce que tu peux faire pour ton pays » : la fameuse formule de Kennedy est d’actualité en France, pour sortir d’un étatisme de plus en plus mortifère. Il n’est jamais trop tard pour bien faire.

Dans une telle perspective, les citoyens et les corps constitués qui innervent la société ne peuvent pas être seulement les spectateurs de décisions qui tombent du ciel, ni davantage les victimes de minorités qui réussissent le tour de force insupportable d’imposer leurs désirs à la raison républicaine.

Tribune de Vincent Lamkin, directeur associé et co-fondateur de Comfluence à retrouver dans l’Opinion : https://www.lopinion.fr/edition/politique/2022-sauveur-grands-partis-alors-quoi-tribune-vincent-lamkin-240598