Bonne(s) vacance(s) !

Dans L’esprit du temps, en 1975, Edgar Morin eut cette formule fameuse : la valeur des grandes vacances, c’est la vacance des grandes valeurs… Assaillis d’enjeux sociétaux, sommés d’agir face à des défis planétaires, perclus de valeurs comme d’autres le sont de rhumatismes, avons-nous encore le droit de faire une pause – au moins dans la justification permanente de nos actes ? La question est de saison…

Est-il encore possible de travailler, de vivre, de marcher, de respirer, d’aimer… Sans avancer de « raison d’être », sans « s’engager » pour un monde meilleur, sans afficher ses « valeurs », sans s’excuser d’être ce que l’on est, sans « donner du sens » à ses activités, même les plus insignifiantes… ?

Assurément non, si l’on en juge par l’omniprésence de cette rhétorique lancinante et formatée – catéchisme expiatoire des temps modernes –  dans laquelle nous baignons (à moindre frais), et sans laquelle les entreprises se sentent désormais toutes nues et forcément coupables (elles dont on attend tant, pour bâtir un monde meilleur, mais que l’on est si prompt à critiquer).

Et pourtant… Les grandes vacances nous ramènent toujours, en effet, à ce rêve de grande vacance au goût d’enfance, à ce désir de lenteur, de silence, de flânerie, de contemplation extatique, de bains de lecture au soleil, à ce goût de vivre sans raison…

Sommes-nous alors moins responsables pour autant ? Moins soucieux de notre prochain et de notre vieille planète (que l’on regarde d’un peu plus près bien souvent, parce que le paysage s’y prête) ? Moins sensibles au monde qui nous entoure ? Moins avides d’émotions ? Moins conscients de notre condition ? Moins « engagés » à vivre (mieux) ?

Au contraire, éprouvons-nous peut-être, à ce moment-là, le sentiment de nous rapprocher d’une forme de vérité et de simplicité sans fioriture, qui n’a pas besoin de se (la) raconter. Car, avouons-le, il y a comme un sérieux manque de pudeur et de sobriété dans cette rhétorique mielleuse qui en fait trop et qui voudrait nous faire croire que nous venons d’un monde indigne pour aller vers un monde plus juste, comme si le monde avait moins de sens hier qu’aujourd’hui. Régis Debray, à propos des deux phrases sèches par lesquelles le Général de Gaulle quitte le pouvoir, a écrit : « Le médiocre est grandiloquent. La grandeur est laconique ». Une leçon de communication…

Par Vincent Lamkin, co-fondateur de Comfluence