« Pour recruter, les entreprises ont besoin de s’appuyer sur une marque sectorielle attractive »

À une pénurie mondiale des matières premières, qui pèse sur les prix, fait écho une vacance de main-d’œuvre à la hausse en France. Celle-ci impacte l’activité de nombreuses entreprises, la vitalité et la qualité de leur production, et potentiellement la croissance.

Plusieurs centaines de milliers d’offres d’emplois ne sont pas honorées (près de 400 000 en Ile-de-France), obligeant un grand nombre de sociétés à fonctionner dans des conditions dégradées, alors même qu’elles ont un réel potentiel d’activité en réserve. À l’échelle sectorielle, les organisations professionnelles, dans de très nombreux domaines, remontent massivement cette inquiétude que vivent leurs adhérents.

Si les grands groupes, notamment dans le tertiaire, investissent significativement dans leur marque employeur et dans d’importants dispositifs d’attractivité à destination des jeunes afin d’anticiper et de gérer leurs besoins en ressources humaines, il s’avère que dans les secteurs les plus tendus, les entreprises de taille intermédiaire, les PME/PMI et les TPE peinent à capter leurs nouvelles recrues, le faisant dans un volume restreint de candidats ou parmi des candidats moins qualifiés, voire peu qualifiés, afin d’honorer leurs commandes.

Agir en amont

Le problème majeur pour ces entreprises est qu’elles gèrent leurs besoins en ressources humaines très en aval du processus d’orientation, de formation et de consolidation des carrières. Leur activisme pour capter de nouveaux salariés est tributaire d’un marché de la demande qu’elles subissent, mais qu’elles ne façonnent pas ou très peu.

Les organisations professionnelles ont donc là un rôle essentiel à jouer, en mutualisant des moyens collectifs dédiés à la construction et à l’animation, très en amont, d’une véritable marque sectorielle visant à dynamiser le socle de la demande. L’attractivité sectorielle est désormais une mission stratégique que ces organisations ont la pleine légitimité à soutenir au service de leurs membres. Comment mener à bien cette nouvelle mission ?

Les représentations et les aspirations ne sont pas figées. Certains métiers dits « manuels » ont connu une forte revalorisation symbolique ces dernières années, attirant des jeunes très diplômés, portés par de nouvelles valeurs, en quête de sens et de qualité de vie. Il importe donc, en premier lieu, de comprendre et d’objectiver les images que projettent un secteur donné dans la société ainsi que les principaux métiers qui s’y rattachent. Ce travail permet de préciser les idées reçues négatives qui pèsent sur leur attractivité et d’identifier, à l’inverse, les leviers positifs et porteurs sur lesquels il faut savoir miser. On sait les prismes qui pèsent dans l’appréhension d’un métier : la pénibilité, l’épanouissement personnel, les grilles de rémunération, les perspectives de carrière ou de rebond, les valeurs et l’éthique attachée à un secteur, le potentiel d’avenir d’une profession dans un contexte de transformation forte des métiers avec la montée en puissance de la digitalisation et de l’intelligence artificielle…

Ces « audits » sont essentiels, notamment vers les jeunes, pour bâtir un récit pertinent et avancer les meilleurs arguments, en phase avec leurs attentes. Ils peuvent être aussi l’occasion, pour un secteur, de se challenger sur des points faibles identifiés et de bâtir de nouveaux engagements afin d’accompagner sa transformation.

Fortes de ces éclairages, les organisations professionnelles doivent apprendre à aller à la rencontre de ces publics, à parler de leur secteur d’activité et des métiers de leurs adhérents à celles et ceux que ces derniers veulent attirer dans leurs entreprises : jeunes scolarisés, jeunes en formation, professionnels en reconversion…

Les enjeux sociétaux auxquels se rattache un métier intéressent tout autant les futurs salariés que la technicité liée à sa pratique. Les organisations doivent donc construire et animer des interactions et des échanges autour de thèmes porteurs : la formation, la RSE, l’innovation, les défis sociétaux qui les impactent, l’avenir au sens large…

Pour ce faire, elles doivent mobiliser des relais pertinents – personnalités professionnelles, médias spécialisés, experts, influenceurs… – dans le cadre de temps forts propriétaires ou en s’associant à des événements existants, trop coûteux en moyens financiers et humains pour des PME (salons, forums, débats…). Ces rencontres peuvent ouvrir de nombreux horizons : valoriser l’utilité sociétale d’un secteur pour en renforcer l’attractivité auprès de candidats en quête de sens et d’engagement ; créer un dialogue autour des valeurs des perceptions et des attentes des jeunes générations en lien avec des thèmes sectoriels ; révéler des métiers et les innovations qui les bouleversent pour susciter des vocations, etc.

En conduisant ce travail, les organisations professionnelles renforceront leur légitimation sociétale, jouant un rôle clé de courroie de transmission entre les jeunes et le monde professionnel qui leur reste difficile d’accès et assez largement opaque.

Tribune de Vincent Lamkin, directeur associé et co-fondateur de Comfluence à retrouver sur Les Echos : https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-pour-recruter-les-entreprises-ont-besoin-de-sappuyer-sur-une-marque-sectorielle-attractive-1371671