Surveillez votre diagnostic sociétal !
La fin annoncée de la voiture thermique, un cas d’école.
Le secteur automobile a été pris de court quand les instances européennes ont décidé d’interdire la vente de véhicules thermiques neufs dès 2035. Pour pivoter, les constructeurs français et européens, auront une petite dizaine d’années. Les leaders ont compris qu’ils n’avaient pas le choix et sont rapidement entrés dans la course : Audi annonce arrêter le moteur à explosion dès 2026 et Stellantis évoque 2027.
Cet épisode démontre que des secteurs solidement représentés et défendus peuvent être débordés par des demandes sociétales relativement marginales qui sont préemptées par les pouvoirs publics et traduites en mesures contraignantes.
Alors que l’industrie automobile européenne nous a fait rêver, durant des décennies, sur les innovations des véhicules, force est de regretter qu’elle ait négligé d’accélérer son discours sur sa révolution technologique : la fin du moteur thermique.
Dans cette affaire, la faute n’est pas à chercher du côté du lobbying des constructeurs. Ce dernier n’a manqué ni d’arguments économiques, ni de moyens pour promouvoir ses actions, il n’en pouvait mais… Elle est à trouver dans l’aveuglement des directions générales et stratégiques de nos constructeurs qui n’ont pas vu arriver les mesures européennes. Les prétextes, pas infondés, qu’économiquement et techniquement cette marche forcée vers le véhicule électrique était déraisonnable à court terme … ont fait long feu.
Pourtant, un diagnostic sociétal complet aurait permis d’analyser finement une multitude de signaux faibles : l’existence de l’interdiction dès 2030 des véhicules thermiques pour les Danois, les Suédois et les Britanniques ; le nombre croissant d’agglomérations françaises adoptant la vignette Crit’air ; le phénomène des dégonfleurs de SUV ; la nécessité de faire monter en puissance les transports publics pour lutter contre l’autosolisme… Enfin, la volonté des instances européennes de réduire les gaz à effet de serre qui place les voitures thermiques au centre du viseur, puisqu’elles génèrent plus de 60% des émissions du transport routier européen (2019).
S’ils avaient intégré de leur propre chef cette inévitable nouvelle donne, nul doute que les constructeurs n’auraient pas été surpris de l’injonction européenne et perdu de temps face à Tesla et aux constructeurs chinois.
Cet exemple vaut bien trois leçons :
1/ Le poids économique d’un secteur en Europe (ou dans tel ou tel pays) n’est plus un bouclier à lui-seul pour stopper une décision qui bouscule, voire remet totalement en cause, son modèle économique.
2/ Au-delà de la construction automobile, d’autres secteurs doivent rapidement s’attendre à être sous le feu de mesures répondant à des enjeux environnementaux ou sociétaux.
3/ L’appréhension efficace de signaux faibles doit se faire dans une démarche de diagnostic sociétal que promeut Comfluence. Elle combine des approches lobbyistique, d’intelligence économique, d’analyse médiatique et digitale, d’audit et de stratégie dont l’objectif est de réduire l’incertitude de la décision en l’anticipant mieux.
Par Jérôme RIPOULL, Directeur associé et co-fondateur de Comfluence