Parler aux jeunes ou parler « jeune » ?
Quand BNP Paribas puise dans TikTok et le rap pour parler logement à la génération Z, quand la Fondation TotalEnergies déclame façon slam ses combats pour la jeunesse, ces institutions – parmi bien d’autres – ne s’adressent pas seulement aux jeunes, elles endossent leurs codes et leur langue. Pour mieux les « adresser » comme on dit… et « rafraîchir », au passage, leur propre image.
Mais puisque c’est leur responsabilité sociale que ces entreprises aspirent à mettre ainsi en valeur, se posent alors plusieurs questions :
-La première responsabilité d’une institution n’est-elle pas d’être elle-même, fidèle à sa voix propre, sans chercher à mimer une prétendue jeunesse, forcément irréductible à ces clichés – celle-ci ne se résumant pas à ceux-là ?
-La première responsabilité d’une société, à travers ses institutions, n’est-elle pas d’assimiler ses citoyens en étant ce qu’elle est, avec exigence, sans se plier à des complicités factices, qui inversent les rôles et tirent vers le bas l’émancipation qu’elle prétend favoriser ?
-La première responsabilité d’une politique de RSE n’est-elle pas d’assumer des choix éthiques fondamentaux, vis-à-vis, par exemple, d’un réseau social comme TikTok dont on sait la toxicité, que celle-ci tienne à ses contenus, à ses méthodes ou à ses fins, au lieu d’entretenir un cercle vicieux ?
Certes le pouvoir politique a lui-même glissé de longue date dans cette dérive démagogique consistant à la jouer « jeune », avec beaucoup d’inconséquence. Du « blécâ » de Mitterrand au numéro de Macron avec McFly et Carlito, la filiation n’est pas glorieuse.
Mais si l’entreprise aspire à devenir politique est-ce pour le meilleur ou pour le pire du politique ?
Oui, les entreprises doivent se préoccuper de la jeunesse, de son éducation, de sa formation, de son accomplissement, c’est un enjeu de développement durable et de civilisation, et leurs initiatives sont respectables, mais puissent-elles ne pas lui parler, à cette jeunesse, comme on parlait jadis à la ménagère de moins de 50 ans, c’est-à-dire en l’enfermant dans une case marketée (et vaguement misogyne) où elle se résume à un segment de marché et à quelques clichés. Là est la première responsabilité qu’on peut s’imposer quand on communique au nom de l’avenir.
Bel été à toutes et à tous !