L’entreprise… politique : jusqu’où ?

Ces dernières années, la communication dite corporate s’est engouffrée dans ce qu’elle a cru être la facilité en poussant les entreprises à s’en aller glaner un capital sympathie loin de leurs bases, surexposant in fine le sens et l’authenticité de leurs engagements à la critique.

Si les études d’opinion se suivent et ne se ressemblent pas toujours, au fond, une constante apparaît : globalement, les grandes entreprises n’ont pas gagné en capital confiance, en dépit des efforts qu’elles font pour apparaître sans cesse plus « bienveillantes », « responsables » et « inclusives ». En revanche, le niveau d’exigence des citoyens, en général, et de minorités agissantes, en particulier, à leur égard ne cesse d’augmenter. La surenchère de prises de position sociétales alimentant paradoxalement ce cercle vicieux.

Une entreprise est bien sûr dans son rôle quand elle engage une démarche de progrès (social, environnemental…) endogène à son activité et connectée aux défis de son temps.

Mais il est essentiel de ne pas confondre le devoir d’une entreprise d’être partie prenante de l’intérêt général, notamment en travaillant sur la gestion de ses externalités négatives et en développant des stratégies opérationnelles en matière de RSE, et, par ailleurs, l’ambition à haut risque d’en faire une institution de dimension politique, qui aurait à rendre des comptes à toutes les minorités agissantes qui aspirent à façonner nos normes éthiques. La raison sociale ne doit pas dégénérer en déraison sociétale par hubris, par peur ou par démagogie.

Le livre édifiant publié par Anne de Guigné, Le capitalisme woke – Quand l’entreprise dit le bien et le mal, pointe les dérives auxquelles l’on assiste sur ce terrain : « d’ici quelques mois, les groupes côtés au Nasdaq devront spécifier la race/ethnie et l’orientation sexuelle de tous les membres de leur conseil d’administration, dans le but de respecter, dans un second temps, des quotas de diversité » ; « début 2021, des salariés de Coca-Cola ont fait fuiter des diapositives issues d’un cours en ligne (…) apprenant à se comporter comme des personnes “moins blanches“ » ; « Lufthansa a demandé à ses employés de bannir l’expression “mesdames et messieurs“ afin de privilégier un discours qui s’adresse à tous les passagers, et notamment à ceux qui ne se reconnaissent dans aucune de ces catégories. »…

L’entreprise ne peut pas être le lieu de transfert et de règlement du débat public. Le mélange de ces deux ambitions – s’engager sur le terrain politique et répondre positivement à toutes les demandes sociétales pour plaire et apaiser tout risque de critique – s’avère délétère.

Tribune de Vincent Lamkin, directeur associé et co-fondateur de Comfluence à retrouver dans L’Opinion : https://www.lopinion.fr/politique/lentreprise-politique-jusquou-la-tribune-de-vincent-lamkin