Contre le complotisme en santé : une dose de bon sens, vite ! 

La lutte contre le complotisme en santé devient, au fil des ans, une préoccupation majeure des pouvoirs publics. Et à raison : depuis la crise de la COVID-19, ce complotisme a prouvé qu’il avait des effets sur la santé – bien réels ceux-là – au niveau collectif comme individuel. 

A mi-chemin entre la désinformation et la méfiance envers le corps médical, il peut s’exprimer de plusieurs façons : remise en cause des vaccins, suspicion à l’égard des traitements conventionnels ou encore promotion de remèdes non scientifiques (bien qu’ils en prennent parfois les atours, comme la « médecine quantique »).  

Et au niveau collectif, ce complotisme en santé a prouvé qu’il pouvait miner les efforts des autorités pour endiguer la propagation des maladies infectieuses à travers le recul du taux de vaccination ; au niveau individuel, il entraîne le détournement des individus de traitements médicaux pourtant éprouvés, mettant ainsi leur vie en danger. 

Depuis 2020, les pouvoirs publics ont heureusement pris la mesure du problème. Le 10 mai 2024, le Président de la République a promulgué une loi sur les dérives sectaires après un processus long de 14 mois, apportant un certain nombre de réponses à la profusion de « gourous 2.0 » ou encore de « pseudo-thérapeutes » en ligne. 

Pour ne citer que quelques exemples, cette loi instaure un délit de provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins et un délit à l’adoption de pratiques risquées pour la santé et conforte le rôle et les missions de la MIVILUDES, créée en 2002, en lui donnant un statut législatif. 

Cette loi est-elle suffisante ? Il est trop tôt pour le dire, mais au-delà du caractère pénal sur laquelle elle semble insister, on peut imaginer d’autres dispositifs : 

  • Une meilleure éducation à l’esprit critique. A l’heure de la viralité des réseaux sociaux et alors que l’intelligence artificielle amplifie le potentiel de désinformation en ligne (ex : Deepfakes), il semble primordial de renforcer l’éducation à la raison pour permettre au citoyen de distinguer les fausses informations des réelles, en particulier les plus jeunes pour qui l’usage des écrans est le plus développé 
  • Une plus grande responsabilisation du corps médical. Au sein même du système médical, les professionnels de santé deviennent parfois les agents de la propagation de fausses informations. Début 2024, le pharmacien québécois Olivier BERNARD livrait un décryptage de certaines dérives complotistes des médecins, sous la forme d’un podcast (3ème saison de « Dérives ») illustrant ce phénomène peu connu. La loi a bien tenté d’y répondre en prévoyant une meilleure information des ordres professionnels, mais il reste certainement des marges de progression, par exemple en prévoyant une meilleure formation à la lutte contre ces fausses informations. 
  • La lutte contre les ingérences étrangères. Pour créer de la dissension, les puissances étrangères tentent de miner la confiance qu’ont les citoyens envers leurs institutions, y compris leur système de santé. L’Etat ne devrait-il pas, aux côtés des plateformes dont le rôle sort renforcé de cette loi, mieux tenter d’endiguer la propagation des complots concernant le rôle des vaccins (le contrôle des populations) ou encore l’origine des pandémies (la « maladie X » de l’OMS) ? 

Finalement, les problèmes de confiance dans le système de santé et de complotisme sont liés. Et c’est bien par la réussite de son modèle de santé que la France parviendra à lutter efficacement contre les différentes formes de conspirationnisme. Une réussite qui devra aussi passer par la réforme pour le rendre plus soutenable et plus efficace. 

Fred GUILLO, Directeur conseil – Directeur adjoint du pôle affaires publiques.