Santé et politique, je t’aime moi non-plus

En mai 2022, un sondage mené par l’IFOP soulignait l’attachement des Français à leur système de santé. Près de 75% d’entre eux exprimaient leur confiance en celui-ci. Cette forte confiance semble découler en grande partie de l’expérience vécue lors de la crise sanitaire de la Covid, où la résilience de notre système et l’engagement des professionnels de santé ont été particulièrement remarqués. 

Naturellement, lors des élections présidentielles, la thématique santé a émergé comme une priorité des électeurs. Un autre sondage, effectué par la FHF peu avant le premier tour de l’élection, a révélé que 53% des personnes considèrent le « système de santé français » comme un enjeu « tout à fait prioritaire » de l’élection de 2022, ce qui le plaçait au même niveau que l’emploi (54%) et bien avant des sujets tels que la sécurité et le terrorisme (46%) ainsi que l’éducation (44%). 

Les candidats ont donc préempté ce sujet en multipliant les rencontres avec les acteurs du soin, en visitant les établissements de santé et en incluant dans leurs programmes des propositions spécifiques en la matière. Les comparateurs de programmes ont d’ailleurs mis en exergue les différentes propositions des candidats sur ce thème.  

Malgrécela, les Français ont le sentiment que ce sujet n’a pas été suffisamment porté par les candidats. Selon 81% des sondés, « dans les débats politiques et électoraux liés à l’élection présidentielle, les questions relatives à l’hôpital et à la santé ne sont pas abordées à la mesure des enjeux ». Un avis particulièrement marqué chez les plus de 65 ans (88%), les femmes (82%) et les salariés du secteur public (82%). Comme s’il existait une forme de hiatus entre les attentes profondes des Français et la communication des candidats et de leurs équipes.  

Les faits semblent confirmer cette impression. Dans le débat des candidats à l’investiture de la droite, organisé 5 mois avant l’élection présidentielle, cinquante minutes ont été consacrées à la sécurité, vingt-cinq à l’immigration et seulement quatre à la santé. L’infectiologue Karine Lacombe exprimait, au micro de France Inter, son regret concernant le peu de place réservé à ce sujet majeur. « On parle de sécurité, d’immigration, alors que ce qui nous a touchés profondément, intimement, chaque minute des dix-huit mois passés, c’est un problème de santé », déclarait la cheffe du service des maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Antoine à Paris, ajoutant être « effarée » de voir que « dans le discours des candidats à la présidence de la République, il n’y a aucun mot pour la santé ». 

Un autre signe alarmant est le constat fait par le « Club de la santé publique », qui a publiquement exprimé son regret quela plupart des douze prétendants à la présidence de la République n’ont pas daigné répondre au questionnaire qu’il avait adressé aux équipes de campagne sur leurs propositions en matière de santé. Ce silence est d’autant plus frappant en comparaison avec les élections précédentes, où la démarche était portée de manière continue depuis 1988. 

Il est tout à fait légitime de s’interroger sur la manière dont les candidats à l’Elysée ont abordé, ou non, les enjeux de santé pendant la campagne électorale, car elle met en lumière la perception que les acteurs politiques ont de la santé. Face à des défis majeurs tels que la désertification médicale, les pressions sur les professionnels de la santé, la fermeture d’établissements de soins, l’extension des franchises, les délégations de tâches ou encore la vaccination obligatoire, il est évident que nous sommes loin d’un consensus en matière de santé. Ce sujet est même devenu source de division, avec un Président sortant cherchant à éviter d’être prisonnier du débat sur sa gestion de la crise de la Covid-19 et des candidats qui ont dû trouver un point d’équilibre entre les attentes des électeurs, usagers du système de santé, et la préservation d’une forme de sérénité avec les anti-vax et les représentants des professionnels de la santé, dont la capacité de mobilisation est connue.  

Dans ce cadre, il devient impératif de recréer du lien et de restaurer des espaces de dialogue entre les professionnels de santé, les financeurs et les utilisateurs du système de santé. Le CNR santé, qui suscitait quelques espoirs à cet égard, n’a clairement pas répondu aux attentes. Face à ce climat de méfiance croissante, il pourrait être opportun de redonner la parole aux acteurs eux-mêmes, de multiplier les initiatives flexibles et de leur confier la responsabilité de concevoir le système de santé de demain ainsi que les financements qui y sont associés. 

Christophe RONDEL, Directeur du pôle affaires publiques – Directeur général délégué