De la grande sécu au grand partage des solidarités?

En janvier 2022, le Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie remettait un avis attendu sur un projet Élyséen : « la grande sécu », ou la réarticulation entre la prise en charge des dépenses de santé entre le régime obligatoire et les complémentaires santé.

Cette commande a été perçue par les acteurs concernés, instituts de prévoyance, assureurs et mutuelles, comme une rupture majeure avec l’organisation de notre système de santé et le financement pratiqué depuis plusieurs décennies.  

Cette révolution envisagée s’explique en partie par le dynamisme de l’évolution des dépenses de santé. Selon une étude de l’OCDE, les dépenses de santé dans les pays membres représenteraient, à minima, entre 8 et 10 % du produit intérieur brut (PIB), soit pour la France, plus de 200 milliards d’euros à date. Dans un contexte économique contraint, les décideurs publics sont donc particulièrement attentifs à ce volume de dépenses, d’autant plus que 70 % de celles-ci sont prises en charge par le régime obligatoire.

Depuis quelque temps, ce projet semble écarté par le président de la République qui, sur la base des recommandations du rapport HCAAM, invitait plutôt à la stabilité en lieu et place du bing bang attendu un temps : « Je ne crois pas à un modèle de cathédrale unique. Je pense que nos complémentaires jouent un rôle très important. Il faut donc plutôt de la stabilité ». 

Cependant, le défi persistant des dépenses de santé – évaluées à plus de 22 milliards d’euros supportés par l’État – réapparaît de manière cyclique, tantôt de façon flagrante, tantôt de façon plus subtile. Les diverses initiatives parlementaires autour des complémentaires, telles que la mission d’information sénatoriale confiée à Xavier Iacovelli, l’encadrement des frais de gestion des complémentaires, une éventuelle nouvelle phase du programme 100% Santé, ainsi que les récents transferts de charges de l’AMO vers les AMC, convergent tous vers un mouvement paradoxal marqué par une expansion du niveau de couverture des dépenses par les complémentaires et une limitation de leur liberté d’initiative et de distinction entre elles.

Cette inclination de l’Etat à reprendre en main l’organisation, comme un financement privé, en dit long sur la perception que le Président se fait des complémentaires, les réduisant à un simple rôle d’opérateur de la puissance publique, presque une forme d’appendice externe de la puissance publique. Elle raconte également la difficulté à penser à plusieurs mains notre système de santé et son financement, par exemple en établissant des contrats entre l’Etat et les complémentaires, fixant des objectifs ambitieux en matière de gestion administrative, de contrôle, de suivi des maladies graves ou coûteuses, et de prévention. En somme, elle souligne l’incapacité à repenser une partie de notre pacte social autour d’un dialogique qui soit à la fois exigeant et transparent.

Christophe RONDEL, Directeur du pôle Affaires Publiques – Directeur général délégué.